dimanche 23 octobre 2011

Musée d'Orsay, que visiter ?


Le musée d'Orsay est le musée le plus visité de France après celui du Louvre ; avec plus 3 millions de visiteurs annuels, il fait partie des dix premiers musées mondiaux. On y trouve essentiellement les oeuvres du XIXe siècle : de l'académisme français jusqu'à l'essor de l'art moderne à la fin du XIXe siècle historique (1914). Il est sans nul doute un des musées qu'on doit visiter un jour lorsqu'on parcourt Paris.

Les touristes l'ont bien compris ; dès 9 heures une queue se prépare près de l'entrée principale ; après plusieurs visites à ce musée, on se rend compte qu'il n 'y a quasiment que des touristes ; j'ai pu apercevoir des anglais, des chinois, des américains, des québécois ... Les visiteurs sont hétéroclites et les français représentent souvent l'espèce rare. Il faut donc se préparer à l'avance et y aller pendant les horaires creuses sinon autant rester dans le RER B en heure de pointe et essayer d'aller d'un bout à l'autre du train sans sortir sur les quais. Même si une queue incommensurable est générée le matin, le temps de remplir la superficie du musée, on peut tranquillement regarder les peintures et les sculptures en solitaire. Il vous faudra plusieurs visites de 3-4 heures pour plus ou moins visiter les différentes expositions, et encore on découvre toujours des nouveaux tableaux dans un musée qui se renouvelle sans cesse, à cause des travaux de rénovation qui se termineront par l'ouverture de la nouvelle salle impressionniste le 20 octobre 2011.

Vu d'une passerelle du musée d'Orsay

Le musée d'Orsay était une ancienne gare vouée à la destruction et transformé en musée sous Giscard d'Estaing. Il célèbre la fin d'un temps : celui de la Renaissance qui n'est qu'un prolongement du Moyen âge, et honore le temps de la modernité, de la révolution d'un monde en constant changement. Cette révolution esthétique et culturelle qui a marqué la France au XIXe siècle reflète le changement du monde entraîné par la révolution industrielle.
Au début du XIXe siècle, la peinture était contrôlée par les académies des Beaux-Arts d'Europe où celui de Paris domine et édicte les règles à suivre pour bien dessiner, donnant ainsi le nom d'Académisme. Ce mouvement tirait leurs influences des grands maîtres qui ont marqué l'histoire de l'Art, il fallait donc étudier les oeuvres au Louvre afin de comprendre et de plaire à l'Académie. Le salon d'exposition officiel, où était présenté des oeuvres approuvées par l'Académie, était un lieu très prisé par les peintres mais gare à ceux qui présentent des oeuvres s'écartant de la ligne officiel ! Manet, inventeur de l'Art moderne en fit les frais avec bon nombre de ses oeuvres dont l'une de ses plus célèbres est l'Olympia que j'ai pris en photo accrochée sur un délicieux fond Bordeaux (avant de me faire houspiller par un gardien [1]). Ces prémices d'un Art nouveau seront célébrés par Baudelaire et feront naître un des courants artistiques les plus connus et les plus appréciés au monde : L'Impressionnisme. C'est une des attractions touristiques majeures du musée; on peut le remarquer dès l'entrée où les gardiens prennent la peine de renseigner aux touristes la direction à prendre pour les tableaux impressionnistes alors que personne n'ait demandé quoi que ce soit. 

Olympia 1863. Remarquez la qualité de la peinture sur cette photo par rapport à celle qui traîne sur Wikipédia.  Ce n'est pas pour me vanter mais pour souligner le fait que rien ne remplace le fait de voir n'importe quel tableau  avec ses propres yeux.

Il apparaît donc de nos jours que l'Académisme représente les grands "méchants", qui ont perdu car tout le monde a oublié de quoi et de qui ils s'agissaient ; les "gentils" quant à eux ont gagné la bataille puisque les tableaux impressionnistes sont vendus pour des dizaines de millions d'euros et que tout le monde, américains y compris, peut citer au moins un peintre impressionniste... Le musée d'Orsay remet les pendules à l'heure en proposant plusieurs tableaux académiques dont l'impressionnant "Les romains de la décadence" de Thomas Couture, ancien Professeur de Manet, et le sublime "La naissance de Vénus" de Bourguereau. Bien qu'étant un inconditionnel de Manet, je n'ai pu rester indifférent devant les tableaux du chantre des anti-impressionnistes de l'époque.


Les romains de la décadence, Thomas Couture, 1847
Regardez La naissance de Vénus, la beauté des expressions et des visages transparaît du tableau ; à droite de l'idiot soufflant dans un conque, une belle jeune fille ingénue est cachée et regarde la scène ; protégée par le centaure, elle observe timidement la naissance de Vénus ; l'expression de visage représente bien l'esthétisme de la beauté qu'incarnait les personnages de l'académisme. On peut observer aussi la délicieuse candeur des deux anges au centre, certes s'amusant à torturer un dauphin ! Mais avec une telle posture et une telle expression, on pourrait tout leur pardonner ! Même la coquille Saint-Jacques nacrée et blanche représente un tableau à lui tout seul. Sans parler des dimensions du tableaux (300x217cm) qui ne passaient pas inaperçus ! A l'époque l'académisme approchait de sa fin, les peintres rabâchaient toujours les mêmes postures et les mêmes thèmes mais aujourd'hui, on est bien content de redécouvrir ces artistes.
La naissance de Vénus, William Bourguereau, 1879

Au musée d'Orsay, on peut observer aussi un tableau qui n'a pu être visible que très récemment (1995) : l'Origine du Monde [2] de Gustave Courbet. Peint en 1866 par une commande d'un Turc, personne ne put connaître la localisation du tableau après la seconde guerre mondiale ; seule quelques allusions nous sont parvenues dans les textes littéraires. Dans les années 70, une photo de mauvaise qualité apparut dans un livre, non signé et depuis tout le monde la reproduisit sans avoir jamais vu le tableau. Les rumeurs allaient bon train sur le propriétaire ou sur la perte du tableau, jusqu'à un jour ces rumeurs aiguillent vers le psychanalyste français Lacan ; la suite on la connaît : le tableau rentre au musée d'Orsay par dation des héritiers.

Le tableau était initialement protégé par un cache, une protection pour les observateurs non avertis. Il représente la vulve d'une femme où les membres inférieurs et supérieurs sont absents. On peut en dire long sur ce tableau, et je ferai peut-être un billet spécifique. Courbet a voulu représenter la réalité, combattant l'académisme à cause de sa fausseté figurative et de l'idéalisation de l'image caractéristique des peintres du mouvement. Lorsque Manet présenta l'Olympia, tout le salon fut choqué ; et non pas par la nudité de l'olympia, mais de la réalité de la scène qui n'a rien de mythologique, rien de symbolique ! De plus, cette figure iconoclaste est perturbée par des détails qui peuvent paraître insignifiants mais dont la composition de Manet fait qu'ils sont beaucoup plus que cela. Regardez le chat, si noir, si intense contrastant avec les couleurs de l'Odalisque ; au début, on ne le remarque pas mais dès qu'on l'aperçoit, les yeux jaunes et puissants du chats percent la toile, son iris fend la composition par sa direction verticale parallèle au chat dressé sur ses pattes. Ensuite, le bouquet de fleur est un tableau en lui même volant la vedette à l'odalisque ; de même pour les draperies, la servante etc ... Dans un premier temps, on observe la personne nue comme centrale à la pièce mais en fait les détails en constituent la trame principale, la force motrice.

L'Origine du monde, Gustave Courbet, 1866
Courbet stimulé par ce coup de maître, essaya de faire de même ; pour combatte les nus lisses et glabres de l'académisme, il représenta la vulve d'une manière crue dépassant de cette manière les limites des codes d'un style dépassé, repoussant le mythologique au dehors du tableau ; la dimension extraordinaire prend place alors dans le nom qui a une dimension cosmique, religieuse et intemporelle : L'Origine du monde ! Regardez la vénus de Bourguereau, parfaite dans les proportions de l'époque, la nudité est excusée par la scène mythologique , nous avons le droit car c'est Vénus, ce n'est pas n'importe qui !  Pas comme l'odalisque de Manet ! Et elle a quelque chose d'irréel et d'extraordinaire, voyez-vous ? Oui elle est épilée !

Lorsque j'ai vu le tableau, j'ai été surpris, captivé et fasciné. Surpris d'une part car elle se trouve dans la partie sur l'orientalisme. Caché dans une petite salle, au fond, un gardien veille au grain ; le tableau arrive sous nos yeux, sous notre nez sans qu'on le désire ; on rentre dans cette intimité par surprise et par force ; on ne peut s'en détourner sans se faire remarquer ; c'est une mise en scène du musée qui est véritablement réussi. Par pudeur, on hésite ; l'éducation fait que notre caractère voyeur est inhibé ; puis-je regarder une oeuvre intimiste ? Ensuite armé avec plus de courage, on observe, on se place dans la meilleure perspective et on est captivé par la force de l'oeuvre. Lorsque j'y étais, un couple asiatique était présent ; passant près de l'oeuvre, la femme jeta un oeil et jugea probablement l'oeuvre pornographique et passa vers le tableau suivant d'un mouvement vif. L'homme fit de même et sembla approuver ce jugement par mimétisme mais il se déplaça le tableau suivant plus lentement et plus pesamment comme s'il ne le voulait pas ; intrigué, avant de sortir de la salle, je jeta un dernier coup d'oeil à ce couple lorsque je surpris le jeune homme reculer d'un pas, faisant semblant d'observer le tableau convenable, il jeta un dernier et ultime regard sur le tableau de Courbet pour bien se rincer les yeux. Le tableau résolument moderne n'est pas encore accepté ; censurée par Facebook ; considéré comme pornographique par certains ; le tableau continuera à remuer les codes, à inspirer les foules et à réfléchir sur notre monde car il ne montre qu'une chose : la Vérité ; d'où le terme Réalisme du mouvement qu'on attribue à Courbet.
Le Cirque,  Georges Seurat, 1891

Nous continuons cette brève présentation du musée par un mouvement que j'ai commencé à apprécier pendant ma visite à Orsay : le pointillisme. J'ai découvert ce mouvement post-impressionniste par internet ou par l'intermédiaire des livres, en commençant par le célèbre cirque de Georges Seurat. Je dois avouer que dans un premier temps, je n'ai pas vraiment apprécié ce style de peintures, les points sont trop visibles et créent un effet de bruit télévisuel, ainsi qu'à cause des formes plutôt dérangeantes de Seurat, un des créateurs de ce mouvement avec Paul Signac. Le pointillisme ou divisionnisme repose sur l'utilisation de couleurs primaires en points ou en petits coups de pinceaux pour créer l'effet de couleur à partir du mélange interprété par notre cerveau, expliquant cet effet un peu bruité qu'on peut observer sur ces tableaux (voir Madame Hector France en bas à droite). La visite au musée d'Orsay a changé mon point de vue, la puissance de ce type de peinture s'observe difficilement à partir de photographies de plus ou moins bonne qualité.

Madame Hector France
 Henri-Edmond Cross, 1891
 Le Cirque de Georges Seurat est l'exemple du tableau que j'ai apprécié qu'à partir de la vision réelle au musée d'Orsay. Le travail méticuleux du peintre est assez colossal ; la recherche des couleurs s'observe lorsqu'on s'éloigne du tableau et ceci accroît notre sensibilité à la composition du tableau. Il en est de même pour Madame Hector France de Henri-Edmond Cross ; la pâleur sur la photographie ne rend pas compte des couleurs observées sur la vraie toile qui possède une véritable profondeur comme la plupart des toiles pointillistes. En tant qu'observateur, on recherche très souvent l'angle idéal pour admirer un tableau ; ici, on ajoute une troisième dimension : on observe le tableau sous plusieurs longueurs de distance ; il n'y a pas de position idéale, il y a juste plusieurs positions pour différentes impressions. La première, éloignée, permet d'avoir une vue d'ensemble, le mariage des couleurs et des formes prend vie et on admire l'élégance de Madame Hector France ou des fleurs situées en bas à gauche de la composition, on admire la perspective et la profondeur de la scène ; ensuite on se rapproche et les points deviennent plus visibles, les bords s'atténuent, les couleurs diffèrent obtenant ainsi un tableau presque impressionniste ; en se rapprochant d'avantage, on observe que les différents points si simples forment les couleurs observées précédemment, d'autres détails peuvent surgir puis on bouge encore en rejouant sur l'angle et l'éloignement. Ce sont des nouvelles méthodes de lecture que nous offre ce genre de tableau.

Saint Cecilia, John William Waterhouse, 1895

Nous finirons cette présentation par la salle d'exposition temporaire. La dernière en date est l'exposition sur les peintres de "l'art esthétique" au temps d'Oscar Wilde, où l'expression "l'art pour l'art" pourrait être leur profession de foi. Les artistes aux influences pré-raphaëlites [3] rendent hommage à la beauté sans se préoccuper de justification ou de signification aucune. L'exposition présente non seulement des tableaux mais aussi des objets d'art décoratifs, des robes et vêtements où l'influence de l'esthétisme a influencé. Un de mes peintres préférés, Waterhouse, d'origine pré-raphaëlite, prend souvent sujet des thèmes médiévaux ou de l'Antiquité comme celui présenté ici. L'autre tableau sublime de Waterhouse est la Dame de Shalott que l'exposition n'a pas le privilège de présenter [4]. Cette exposition temporaire plutôt courte ne possède pas beaucoup de grand chef d'oeuvre ou de peinture mais reste une exposition à aller voir (l'exposition n'est pas payante).

Ce qu'on peut noter, c'est que la salle d'exposition au musée d'Orsay n'est pas la meilleure. Pour l'avoir fréquentée plusieurs fois, il y a souvent une grande queue pour les expositions importantes (comme avec Manet cette année); la surface n'est pas très grande donc en cas de forte affluence, on se tasse facilement à plusieurs par tableau ; il y a des couloirs de faible largeur pour aller d'une pièce à l'autre où souvent est accroché un tableau où on aura des difficultés à accéder pour l'observer. Pour finir la dernière salle souvent trop lumineuse brouille notre attention et notre concentration à cause du bruit extérieur et de la lumière.


[1] Je déteste qu'on prenne des photos dans un musée mais là je n'ai pas résister, surtout que j'étais tout seul !

[2] Il y a un très bon reportage sur Arte http://www.dailymotion.com/video/xcxksn_l-origine-du-monde-1-2_creation ainsi qu'une conférence dans les archives en ligne du musée d'orsay http://www.musee-orsay.fr/index.php?id=634&L=0&tx_ttnews[tt_news]=27068&no_cache=1#tt_news27294

[3] Pre-Raphaëlisme : courant s'inspirant de la littérature médiévale et de la peinture italienne ; exemple de peintre : Millais, Waterhouse

[4] Voir ici http://fr.wikipedia.org/wiki/The_Lady_of_Shalott_(peinture)

2 commentaires:

Hadash a dit…

Merci encore pour la visite Pix. Ce fut un plaisir.

Guillaume a dit…

Bref, tout est à revoir.